La sécurité des suppressions de données

Le piratage de Sony Pictures a provoqué une véritable onde de choc dont les ramifications sont parfois inattendues. L’article The Security of Data Deletion de Bruce Schneier fait l’apologie d’une stratégie ‘agressive’ de suppression des données obsolètes dans les entreprises. Puisqu’il n’est pas possible de garantir la confidentialité des données d’une entreprise, même une parmi les plus grosses, il est préférable de supprimer ces données lorsqu’elles sont obsolètes.

On peut aussi parler de l’intégrité puisque si un pirate a réussi à récupérer quelques téraoctets de données sans se faire prendre, il a tout aussi bien pu en altérer au passage. Si la cryptographie peut nous aider à ce niveau pour signer les données et messages, elle ne pourra pas grand chose si les postes utilisateurs, leurs programmes et donc leurs clés sont compromises…

Mais revenons à la politique de suppression des données. Parler de politique agressive est un peu exagéré. La notion d’agressivité sous-entend de supprimer dès que possible une donnée lorsqu’elle n’est plus utilisé. Il est fait référence dans l’article à ce que l’on transmettait par téléphone avant l’informatique, les informations annexes que l’on ne notaient pas finissaient par être rapidement oubliées, au pire déformées… ou au mieux sujettes à confirmation.

Si la messagerie instantanée est assez informelle, la messagerie classique est beaucoup plus formelle, surtout en entreprise. On est dans ce dernier cas assez loin de la conversation libre par téléphone.

Une entreprise ne peut pas non plus supprimer sans discernement ses données sous prétexte qu’à un instant donné elles n’ont plus d’utilité. Ces données, c’est la mémoire de l’entreprise. Les supprimer c’est supprimer la mémoire de l’entreprise, une des choses les plus importantes puisque c’est l’accumulation de son savoir faire, de son savoir sur ses clients et ses racines. Supprimer les données anciennes d’une entreprise, c’est comme supprimer la mémoire à long terme des individus, c’est catastrophique pour eux et pour la société dans son ensemble.

Ce parallèle avec l’individu n’est pas anodin. La capacité d’une entreprise c’est la somme des individus qui la composent démultiplié par le patrimoine technique.
Et le parallèle peut aller plus loin. L’individu ne retiendra pas tout d’une conversation téléphonique. Des informations annexes seront perdus parce que non mémorisées par l’un ou l’autre des interlocuteurs. Ensuite, avec le temps, chaque interlocuteur va oublier certaines informations pas très importantes, progressivement. Au final, après un grand laps de temps, il ne subsistera de la conversation téléphonique que l’essentiel de l’information. Il faut donc bien de la même façon supprimer les données éphémères d’une entreprise mais il ne faut pas tout supprimer. Avec le temps, seul doit subsister l’essentiel des informations du passé. Les idées doivent être résumées et les informations techniques doivent être épurées de leurs pré-calcul et des données annexes.
Comme fil conducteur, on peut essayer d’avoir la vision d’un historien sur le passé de l’entreprise pour savoir ce qui a de l’intérêt ou pas. Et ainsi, naturellement, toutes les conversations hors champs vont disparaitre.

Tel que déjà définit précédemment pour le projet nebule, les données doivent pouvoir être supprimer automatiquement après un certain délai ou conservées explicitement. Une pondération appliqué aux objets déterminera le délai de conservation, ou plutôt de non-suppression. Et un seuil déterminera à partir de quelle pondération un objet sera à garder définitivement. Ce seuil peut évoluer avec le temps et faire disparaitre après coup des objets qui initialement étaient au dessus du seuil de suppression. La pondération reflète l’importance des objets, positivement ou négativement.

Pour finir, n’est-il pas plus simple d’être respectueux dans ses messages même à usage interne ? A défaut d’empêcher le vol d’information, au moins on évite déjà les propos embarrassants, une charge de moins dans la réparation des dégâts. Mais quelque part, cela reflète un état d’esprit dans l’entreprise, une certaine culture des individus qui la composent… bref, pas très sain…

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